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Rencontrer des objectifs du développement durable pour un numérique plus responsable
L'industrie informatique
Basé sur un impératif fonctionnel (Vitali-Rosati, 2014) et un capitalisme de surveillance (Shoshana Zuboff, 2019), liberticides et privateurs, l’industrie informatique, pour exister, nous impose des solutions hi-tech de plus en plus performantes mais aussi de plus en plus chères, gourmandes en ressources énergétiques et en matériel, peu durables et fermées. On les utilise parce que ça marche (en général bien) mais de moins en moins de gens les maîtrisent vraiment…
La technologie nous promet de nous rendre libres en nous délivrant de toutes les tâches ennuyeuses, triviales, répétitives, purement matérielles, en nous fournissant des « solutions » de plus en plus performantes, simples, intuitives, rapides et efficaces. Les GAFAM nous font rêver d’un monde qui fonctionne tout seul, d’un monde où nous sommes pris·es en charge jusqu’à nos identités par un petit nombre de compagnies privées. Mais cette délivrance se fait au prix d’une perte totale d’autonomie, avec une dépendance complète à ces technologies et à ces entreprises. (Vitali-Rosati, 2024)
Il persiste beaucoup de contradictions sur les chiffres liés au numérique, cependant, ce dont nous sommes certains (Hélène Petit, 2023) c'est que :
- près de 80 % de l'emprunte écologique du numérique (eau, énergie, métaux précieux, autres matériaux…) est liée à la fabrication du matériel (voir données Ademe);
- 80 % de la bande passante sur Internet est utilisée pour des contenus vidéo (essentiellement le streaming).
(10 heures de film en haute définition (HD) correspondent à la totalité des contenus textuels de Wikipédia. Une heure de streaming en HD va générer 28 kg de CO2, soit l'équivalent de 28 km en voiture)
Pour réagir, il faut repenser la matérialité du numérique et :
- fabriquer moins d'équipements ;
- fabriquer des équipements plus durables (obsolescence programmée) ;
- repenser l'usage de ces équipements (ce qui est nécessaire).
Il est néanmoins indispensable de penser un numérique acceptable qui soit :
- émancipateur et non aliénant ;
- choisi et non subi ;
- soutenable socialement et écologiquement.
Lire à ce propos, le Framabook Libertés numériques. Guide des bonnes pratiques à l'usage des DuMo… et si vous avez un peu de temps devant vous, dévorez l'ouvrage de Marcello Vitali-Rosati, déjà évoqué plus haut, Élode du bug. Être libre à l'époque du numérique (pdf accessible sur le dépôt Papyrus de l'UdeM)
Une certaine sobriété
Nous n'avons pas la main sur l'industrie mais nous sommes leurs clients. Il ne s'agit pas de faire du low Tech à tout prix et il n'est pas question de tout rejeter en bloc, mais plutôt de s'engager dans la sobriété et le Slow Tech (utile, accessible et durable). Nous devons dès lors être attentif à un usage raisonnable et raisonné du numérique, s'équiper moins, pour plus longtemps et ralentir notre usage… jusqu'à éteindre le plus souvent possible.
Les logiciels
L’utilisation de logiciels libres réduit la menace de l’obsolescence prévisible par défaut de support sur le moyen terme et, surtout, l’utilisation de technologies nécessitant toujours plus de puissance, qui raccourcissent la durée de vie du matériel qui reste lui aux mains de l’industrie.
Le développement durable passe donc aussi par l’utilisation de logiciels ouverts et libres. Il intègre l’utilisateur dans une communauté durable sans attendre le bon vouloir des éditeurs propriétaires des produits et des services.
Le choix de logiciels (système d'exploitation Linux et logiciel libres, en général plus légers) permet également de conserver plus longtemps un même ordinateur voire de reconditionnet un ordinateur plus ancien (en Belgique, par exemple, chez https://pc-occasion.be). Il existe de nombreuses distributions Linux (libres et gratuites) qui peuvent être installées sur des ordinateurs plus anciens sans pour autant perdre en confort et en efficacité.
Ces distributions contiennent par défaut tout ce dont on a besoin (navigateur, traitement de texte, tableur, éditeur, gestionnaire de mail ou de fichiers…). Lors de l'installation d'une nouvelle application, il faut systématiquement être guidé par sa sobriété (les qualificatifs "libre", "léger" et "rapide" doivent attirer l'attention).
Voir aussi l'onglet Outils TIC
Des fichiers ouverts et plus légers
Écrire est une démarche complexe qui nécessite de se poser la question du format et des outils.
Le principe de l'utilisation du format texte est de se passer de logiciels complexes et énergivores. Il permet de revenir à des méthodes qui vont à l’essentiel en faisant les choses dans l’ordre : écrire, illustrer, éditer puis publier, de manière durable et sans pertes de temps et d’énergie inutiles.
Il faut revenir aux fondamentaux et donc ne pas nécessairement essayer de reproduire coûte que coûte tout ce qui est possible avec un traitement de texte classique (dont on peut souvent se passer).
Pour un même texte (une page, sans image), lorsque l'on regarde le "poids" des fichiers enregistrés dans différents formats, il apparaît clairement que les formats "texte" (les deux premiers) sont nettement plus légers.
Contrairement aux idées reçues, un courriel a une emprunte environnementale minime … à condition de ne pas lui attacher de fichiers trop lourds. L'alternative aux fichiers joints est le dépôt en ligne des fichiers (via un service de partage temporaire de fichiers par exemple) et l'ajout de liens dans les courriels.
Des sites web plus légers
Le web (on parle bien de "Web" et pas d'"Internet", inventé 20 ans plus tôt) est en grande partie devenu dépendant de quelques grandes entreprises (essentiellement les GAFAM mais pas que) qui en concentrent l’essentiel et exercent par conséquent un pouvoir exorbitant. Il faut désencombrer le web et le rendre plus durable, plus résilient et plus lisible. Il faut arrêter de le surcharger avec des contenus non nécessaires, soumis aux effets de mode et aux aléas des technologies disponibles (Masutti, 2023).
Avec les développements techniques, les logiciels CMS (Système de gestion de contenu) sont devenus de plus en plus performants mais aussi de plus en plus complexes. Ils sont aussi énergivores, sur les serveurs qui les héberge et en utilisation du trafic, entre le client (vous) et ces serveurs. Voir par exemple le plaidoyer pour un small web d'Aral Balkan.
La mouvance des sites statiques est un début de solution plus durable (comme ce site construit avec MKDocs sur base de fichiers Markdown).
Des images plus légères
Pour le Web, l'affichage d'images trop lourdes est inutile. Cela va non seulement ralentir l'affichage mais va aussi générer plus de trafic. La taille idéale d’une image doit correspondre à résolution d’un écran de PC de bureau (en général 1920 x 1080 pixel) avec une résolution de 72 dpi (points par pouce).
Il en va de même pour la consommation de vidéos en streaming. Si la vidéo est regardée sur un écran de petite taille (smartphone ou ordinateur portable) le mode HD n'est pas indispensable.
La durabilité des contenus
Les formats
Le choix du format d'enregistrement des fichiers est aussi primordial. Si un format est fermé et lié à un abonnement ou à l'achat d'un logiciel propriétaire, sa durabilité en est rapidement compromise.
Le format texte est par excellence un format durable.
Les supports
Depuis les débuts de l'informatique, les supports ont rapidement évolués et leurs capacités de stockage ont rapidement augmenté. Il est néanmoins presque impossible de lire des fichiers enregistrés sur un disque souple de 8 pouces ou sur ses successeurs, les disquettes de 5 pouces 1/4 ou de 3 pouces 1/2. Les CD vont bientôt les rejoindre…
Non seulement le matériel n'existe pratiquement plus mais le support lui-même n'est pas fiable dans le temps.
L'enregistrement en ligne pose aussi de nombreux problèmes et le choix d'un (ou plusieurs) support durable est dès lors essentiel.
Nextcloud (service en ligne hébergé comme chez Zaclys) est une solution durable et éthique, elle permet de garder la maîtrise de vos fichiers et de leur partage (voir Outils TIC pour quelques pistes) et se passez des solutions dans les "nuages" des GAFAM.
En Belgique, vous pouvez aller voir chez Nubo ou Domaine Public.
Privilégier le mode local
L'utilisation d'un service en ligne (dans les "nuages") n'a cependant pas de sens si c'est pour travailler seul. Travailler "en ligne" va générer un trafic inutile alors que l'utilisation d'une même application, localement, n'en générera aucun.
Les fausses bonnes idées
Parmi les fausses bonnes idées pour réduire son emprunte écologique (Frédéric Bordage, 2021) on peut pointer :
- supprimer ses courriels (sauf pour votre bien être personnel) ;
- utiliser des moteurs de recherche alternatifs (écologiques) qui pointent de toutes façons vers les moteurs de recherche privatifs comme les classiques Google ou Bing (privilégiez Ducduckgo ou Zotop qui sont réellement durables et non privatifs) ;
- utiliser des favoris pour éviter une nouvelle recherche ;
- changer de navigateur (sauf à privilégier Chromium ou Firefox mais alors pour d'autres raisons) ;
- vider son cache (sauf pour gagner de la place sur votre disque dur).
Ces solutions tiennent plus du green washing et ont un impact négligeable…
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