Maîtriser les règles du droit d'auteur[92], dans ses grandes lignes, est essentiel pour connaître et faire respecter ses droits. Cela permet de savoir ce que la loi protège, ce que l'on peut copier, reproduire ou photocopier.
Le droit d'auteur est régit par des lois qui donnent aux éditeurs, aux auteurs et à leurs ayants droit un certain nombre de prérogatives qui limitent la réutilisation de l'œuvre.
Il y a des exceptions à certains droits et des variations suivant l'usage que l'on fait des documents mais une grande constante : il faut toujours citer ses sources, même pour les documents tombés dans le domaine public ou publiés en libre accès.
Le droit d'auteur protège toutes les œuvres littéraires et artistiques, c'est-à-dire toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, sur tout support, y compris les manifestations orales de la pensée.
L'œuvre doit impérativement être originale (expression de l'effort intellectuel de son auteur) et avoir été mise en forme pour pouvoir être communiquée[93].
Contrairement aux brevets qui nécessitent un enregistrement[94], le droit d'auteur est acquis automatiquement, sans formalité d'enregistrement ou de mention particulière.
Le symbole © est recommandé mais pas obligatoire. En Belgique, c'est le Ministère des Affaires Économiques qui gère le droit d'auteur, en France c'est le Ministère de la Culture.
Les actes officiels (lois, décrets, décisions de justice...) ne sont pas concernés par le droit d'auteur.
En Europe, les œuvres littéraires et artistiques dont l'auteur (ou le dernier auteur) est décédé depuis au moins 70 ans tombent dans le domaine public[95].
Par ailleurs, dans le cadre des publications en libre accès, il existe de nombreuses variantes[96] mais le principe d'ouverture reste constant.
Le droit d'auteur est séparé en deux branches. Il y a, d'une part, les droits patrimoniaux qui concernent les aspects matériels du droit d'auteur et, d'autre part, le droit moral qui concerne les aspects intellectuels du droit d'auteur.
Le droit de reproduction et de communication au public sont des prérogatives de l'auteur.
L'auteur peut, par contrat, céder ses droits patrimoniaux ou consentir une licence à un tiers, généralement l'éditeur.
L'éditeur prévoit en général une rémunération allant de 5 à 15 % du chiffre d'affaires de la vente de l'œuvre.
La rédaction d'un article ou d'une participation à un ouvrage collectif ne donne en général lieu à aucune rémunération (cession gratuite).
Par contrat, l'auteur cède dès lors le droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction de son œuvre de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, d'en autoriser la traduction ou l'adaptation, de contrôler sa distribution, son importation, sa location et le prêt.
Les champs d'application des droits patrimoniaux sont le droit de prêt, le droit de reprographie et le droit de citation.
Le prêt privé, entre amis ou membres de la famille, n'est pas concerné par le droit de prêt, il est libre.
L'auteur, ses ayants droit ou l'éditeur ne peuvent pas s'opposer au prêt s'il est organisé dans un but éducatif ou culturel et s'il est réalisé par l'intermédiaire d'institutions reconnues ou organisées officiellement par les pouvoirs publics (les bibliothèques).
La législation européenne[97] impose cependant aux États membres de prévoir une rémunération équitable pour les auteurs ou les ayants droit et les éditeurs afin de compenser le "préjudice" qu'ils subissent à cause du prêt.
Cette même législation prévoit par ailleurs des exceptions pour certaines catégories d'établissements. Ainsi, les bibliothèques des institutions d'enseignement, dont les universités, sont exemptées de cette taxe. Par contre, les bibliothèques publiques payent une taxe proportionnelle au nombre de lecteurs inscrits.
L'auteur ne peut interdire la reproduction de documents imprimés effectuée pour un usage privé (personnel et familial), à usage interne (dans l'entreprise de l'utilisateur) ou pour l'illustration de l'enseignement ou la recherche scientifique. En cas de reproduction, par photocopie, une taxe doit être payée, c'est le droit de reprographie.
La photocopie peut porter sur l'intégralité d'un article ou d'une œuvre plastique (photographie, dessin, graphique...). S'il s'agit d'un livre, la photocopie ne peut porter que sur de courts fragments. D'une manière générale, la photocopie ne peut porter préjudice à l'exploitation normale de l'œuvre (en diminuer ses ventes).
En Belgique, le droit de reprographie est une taxe perçue par la société Reprobel. Cette taxe est payée par les institutions, les sociétés privées, les copy shop et perçue sur les ventes de photocopieurs et scanners.
Ces taxes sont redistribuées aux éditeurs et aux auteurs par des sociétés de gestion des droits. Peu de scientifiques font cependant les démarches nécessaires pour recevoir ces sommes perçues en leur nom.
La législation ne fait aucune distinction entre les créations littéraires ou artistiques (musiques ou films) et les articles scientifiques. Les scientifiques écrivent des articles pour diffuser et échanger des connaissances et non pour obtenir des droits d'auteur.
En plus, la société Reprobel taxe indifféremment les articles provenant de revues classiques et ceux de revues pour lesquelles un contrat autorise la reproduction en plusieurs exemplaires (comme les revues électroniques en bouquet ou les revues en libre accès).
Avec la taxe sur les impressions, aussi prévue par la législation et dont l'application est en discussion, l'impression des articles de revues en bouquet ou de revues en libre accès sera aussi taxée (ce qui est contraire aux contrats signés avec les éditeurs et à la déclaration de Bethesda pour le libre accès).
Le droit de citation concerne le texte. L'utilisation d'illustrations (photographies, tableaux, figures, dessins) extraites d'une œuvre doit toujours faire l'objet d'une autorisation expresse des titulaires du droit d'auteur[98].
Le droit de citation autorise la reproduction et la communication au public de courtes citations d'œuvres de toute nature sans le consentement des titulaires du droit d'auteur.
La taille de la citation autorisée dépend de la longueur du texte original. Pour un texte d'une centaine de lignes, la citation ne peut pas excéder 15 lignes. Pour un livre, la citation sera d'une page maximum.
La citation doit être effectuée dans un but de critique, de polémique, d'enseignement ou dans des travaux scientifiques.
Le droit moral touche à la personnalité de l'auteur.
Il y a quatre branches dans le droit moral. Il s'agit du droit de divulgation (le droit de communiquer l'œuvre au public), du droit de paternité (le droit d'exiger la mention du nom de l'auteur), du droit au respect de l'œuvre (le droit de s'opposer à toute modification) et du droit de retrait (le droit de retirer l'œuvre du circuit commercial).
Contrairement aux droits patrimoniaux, le droit moral (la paternité de l'œuvre) ne peut pas être cédé à un tiers.
Même si les documents sur Internet sont plus facilement accessibles, les principes de base du droit d'auteur sont identiques à ceux relatifs aux documents imprimés.
Toute œuvre consultable sur Internet, même gratuitement, n'est pas pour autant "libre de tous droits".
La licence Creative Commons part d'une logique inverse de celle évoquée plus haut. Elle propose quelques droits réservés (au choix de l'auteur) plutôt que tous les droits réservés (surtout par l'éditeur).
La licence prévoit quatre attributs combinables en six contrats différents :
BY - attribution, paternité : correspond au droit moral, c'est obligatoire pour tous les contrats. C'est cette condition qui vous autorise à utiliser le document sans en demander l'autorisation ;
NC (Non Commercial) = pas d'utilisation commerciale ;
ND (No Derivative works) = pas de modification de l'original ;
SA (Share Alike) = partage aux conditions identiques (même licence).
Les six contrats possibles sont (de la licence la plus ouverte à la plus restrictive) :
CC BY : attribution (c'est le modèle recommandé, celui qui est utilisé pour ce document). Cette licence vous permet de distribuer, remixer, arranger et adapter l'œuvre originale, même à des fins commerciales, à la condition d'en mentionner la source originale ;
CC BY-SA : attribution mais partage dans les mêmes conditions ;
CC BY-ND : attribution mais pas de modification ;
CC BY-NC : attribution mais pas d'utilisation commerciale ;
CC BY-NC-SA : attribution mais pas d'utilisation commerciale et partage dans les mêmes conditions ;
CC BY-NC-ND : attribution mais pas d'utilisation commerciale ni de modification.
La licence Creative Commons n'est pas en contradiction avec la loi sur le droit d'auteur. Elle protège entièrement le droit moral de l'auteur, elle est perpétuelle (70 ans après la mort de l'auteur) et irrévocable[99].
Cette licence est aussi en accord parfait avec le principe de liberté du libre accès.
La licence Creative Commons 2.0 utilisée en Belgique prévoit cependant dans son article 4e : "Cette Licence ne modifie en rien le régime de rémunérations équitables éventuellement mis en place en Belgique ou dans d'autres États en contrepartie de la reconnaissance légale de licences non volontaires, et n’a aucun effet sur la perception de ces rémunérations". Il faudrait que cet article soit supprimé.
[92] Ce chapitre traite du droit d'auteur en Belgique. La législation peut varier légèrement d'un pays à l'autre, même si le droit européen impose aux États membres l'inscription de règles communes dans les législations nationales.
[93] Les idées non exprimées ne sont donc pas protégées par le droit d'auteur.
[94] Temporaire et payant.
[95] On dit alors que la durée des droits d'auteur est expirée. Cette durée peut être différente dans les autres continents.
[96] Comme par exemple la licence "Creative Commons" utilisée pour ce document.
[97] Directive du 19/11/1992, Journal Officiel L 346 du 27/11/1992, 61.
[98] Sauf si le document est en libre accès
[99] L'auteur ou les ayants droit ne peuvent pas revenir sur la licence accordée.